Déscolarisées et sans qualification professionnelle pertinente, les jeunes filles-mères de la zone périurbaine de Nsimalen, presque toutes issues des milieux modestes, deviennent ainsi un problème social dont la non résolution à court ou à moyen terme, constitue un risque majeur pour la société camerounaise (filles et enfants abandonnés ou production de potentiels délinquants).

Dans une recherche récente, le Pr Bikanda (2021), étudiant le cas de 15 filles célibataires dont 12 filles mères, sur une période de 05 ans, constate que ces dernières fréquentent assidument les bars et y officient soit comme filles libres, serveuses ou prostituées. Il formalise ainsi leurs trajectoires selon un processus en 03 phase :

Phase 1 Une jeune fille née dans une famille sans grands moyens financiers, qui a sans doute été auparavant la «petite:» (maitresse) d’un homme de 30 à 44 ans, son «sponsor», tombe enceinte vers l’âge de 16 ans avec comme «géniteur» supposé, son «titulaire» ou «amant», jeune homme de 20 à 30 ans qui refuse d’assumer la paternité et l’abandonne, elle et son enfant.

Phase 2 : Pour pouvoir s’occuper de son enfant, la jeune fille mère abandonne les études, cherche des emplois précaires du fait de son faible bagage scolaire et, se trouve obligée de fréquenter les bars où il semble plus facile de se procurer des  ressources financières, avec son « capital corps ».

A l’aide de ces ressources et, sous la pression de la famille, la jeune fille mère devient cheffe ou soutien financier d’une famille que nous qualifierons de « folle » ou aliénée où peuvent cohabiter jusqu’à trois générations qui vivent à ses crochets (sa mère, ses frères et sœurs de la famille élargie et, son (ses) propre(s) enfant(s).

Phase 3 : En fonction de son bargaining power corporel, (son pouvoir de négociation lié à sa jeunesse, son âge et éventuellement son niveau scolaire) la jeune fille mère peut devenir soit une « wolowoss » ou professionnelle du sexe qui « vend » ouvertement ses services sexuels et se contente de liens faibles, soit devenir une fille libre ou serveuse de bar en quête de liens forts et de respectabilité. Pour ce faire, l’un des objectif visé est d’épouser « un blanc » et partir à l’étranger afin de desserrer l’étau et la pression communautaire ou de devenir la maitresse d’un quinquagénaire marié qui puisse la prendre en charge et l’aider à alléger son fardeau familial. Au bout du compte, à partir de l’âge de 25 ans, la jeune fille mère n’est plus que l’ombre d’elle-même, la vie trépidante des bars, l’alcoolisme, les maladies et le fardeau familiale font qu’elle voit sa vie détruite ainsi que celle de son enfant qu’elle ne peut mal heureusement suivre au niveau de l’éducation. Les risques de produire des délinquants ou des potentielles jeunes filles mères devient dès lors très probant.